Pépère n°24 – « Amishcalement votre ! »

Loin de moi l’idée de rajouter du chaos à la confusion ambiante de ces dernières semaines, mais avouez quand même qu’il y a de quoi perdre son latin devant le triste spectacle offert par nos représentants politiques de tous bords. Et, comble de l’ironie, nous devons le scénario de ce navet-catastrophe à notre Président, lequel, non content d’avoir amené le pays au bord de la banqueroute, nous plonge, du haut de sa suffisance, dans un pétrin institutionnel que même Machiavel, au plus fort de son délire, n’aurait osé imaginer!
A l’heure où le pays entre dans une période de fortes turbulences, la raison et la décence exigeraient plus de retenue de la part des responsables de tous horizons et de toutes tendances confondues, médiatiques, sportives et politiques. Pourtant, certains d’entre eux, sans état d’âme, choisissent de souffler sur les braises sociales pour satisfaire leur ego démesuré, au risque de provoquer un incendie dont personne, même le plus subtil des devins, ne saurait en prédire ni la durée et encore moins les effets, à longs et moyens termes, sur la santé morale et financière des citoyens.
Et dans ce fatras anarchique, chacun y va de son commentaire, à commencer par nos footballeurs encore boutonneux, qui feraient mieux d’apprendre les paroles de La Marseillaise pour les chanter dans les confrontations internationales et concentrer leurs efforts à marquer des buts, plutôt que d’étaler leur état d’âme d’ados gâtés et capricieux sur les problèmes sociétaux et économiques de leurs contemporains dont ils se moquent comme de leur premier maillot tricolore.
C’est, en effet, un peu fort de café de recevoir des leçons de patriotisme de la part d’une équipe de gamins narcissiques multimillionnaires, réfugiés à l’étranger pour la plupart d’entre eux afin d’échapper au fisc français, évitant ainsi d’apporter leur obole à l’effort de la nation.
Et le summum de l’indécence, qui frise l’incivilité, est atteint par leur capitaine dont la fortune vient du Qatar, pays dont les droits de l’homme sont pour le moins contestables.
« J’ai mal à ma France », clamait-il, lui qui, dès la saison prochaine, ira exercer son talent de footeux en Espagne, histoire de gonfler un peu plus son magot, déjà en surcharge pondérale !
Alors, quel crédit accorder à ces jouvenceaux arrogants érigés en moralisateurs, qui doivent leur célébrité à leurs pieds et non à la qualité de leurs neurones. Sur les terrains de sports comme sur le terrain de la vie, la manière compte autant que le résultat. Et dans ce domaine, ils auraient été plus inspirés d’apprendre à tirer dans la cage de l’adversaire, ce qui leur aurait évité une défaite minable et sans gloire lors du dernier « Euro de football ».
Dommage qu’ils ne connaissent ni l’élégance du geste, ni l’humilité qui font le talent des grands sportifs. Mais n’est pas « le Roi Pelé» qui veut !
Attisé par l’alignement des planètes de la contestation, des conflits mondiaux de tous ordres et du dérèglement climatique, un vent mauvais aux relents de haine et d’agressivité souffle désormais jusqu’aux confins du pays, balayant les valeurs de tolérance et d’humanité pourtant à la base de la grandeur et de la renommée de notre nation.
De ce grand chambardement où les lois civiques et morales se désagrègent et partent à vau-l’eau, émergent les opportunistes de tous poils dont la seule ambition est d’assouvir leur désir personnel, quel qu’en soit le prix à payer, bien souvent au détriment de l’intérêt général. Et, vous l’aurez compris, pas forcément dans le respect des règles de la bienséance !
A une moindre échelle, notre commune peut être citée en exemple de ce tohu-bohu irrationnel et insensé qui a propulsé à la tête de la mairie une équipe municipale de circonstance, sans plan de gouvernance sérieux, si ce n’est celui, non avoué, de renverser l’équipe en place.
De fait, l’absence d’un projet rassembleur et constructif autour d’objectifs clairs et définis, associé à l’incompétence de leur chef, a découragé certains conseillers intègres et de bonne foi qui ont eu l’amère impression de s’être fait gruger.
C’est ainsi que, sidéré par l’amateurisme du Maire qui frise l’inconscience, l’un d’entre eux, et pas le moindre, puisque délégué à la sécurité de la commune, a démissionné de son poste. Par lettre diffusée à ses collègues, il pointe du doigt «la méconnaissance totale des bases de la sécurité par le Maire», et conclut son courrier de la manière suivante : «… je ne peux continuer à exercer ma fonction en étant mis devant le fait accompli après des décisions unilatérales et dangereuses du Maire de la commune».
Avouez, chers amis lecteurs, que ce conseiller a la plume plutôt sévère à l’encontre de notre Édile. Par les temps qui courent où le vice l’emporte sur la vertu, fallait oser ! Aussi, permettez-moi de saluer son courage et sa probité.
Je n’en dirai pas autant des deux principaux leaders de l’équipe qui passent leur temps à s’étriper, empêtrés dans de sombres querelles intestines. Ils semblent avoir oublié que les électeurs les ont choisis pour assurer la bonne gestion communale et poursuivre son développement économique. C’était, du moins, le fondement de leurs promesses électorales, lesquelles promesses, faut-il le répéter, n’engagent que les candides qui les écoutent !
Toutefois, comme le souligne un vieux proverbe africain frappé au coin du bon sens, « il ne peut y avoir deux caïmans dans le même marigot !». Alors, par arrêté municipal du 25 juin dernier, le Maire porta l’estocade finale, humiliant son ancien acolyte en lui retirant la délégation de fonctions, le rabaissant ainsi au rang de simple adjoint. Dans les eaux saumâtres aux effluves fétides du bayou, le plus fort l’emporte toujours. C’est la dure loi de la jungle, immuable depuis la nuit des temps.
Cependant, n’allez pas chercher chez eux une once de compassion. Connaissent pas. Dans les temps jadis où l’honneur régissait les conflits entre quidams, le différent se réglait en duel sur le pré. Mais c’était dans le monde d’avant, celui de l’élégance et du panache !
En attendant, notre cité se transforme en savane où l’herbe folle envahit les bacs à fleurs désormais sans fleurs et les parterres du centre ville, tandis que sur le stade communal, la tondeuse haut de gamme, en location, tourne inlassablement et peaufine une pelouse à rendre jaloux les professionnels de la planète foot.
J’entends déjà les mauvaises langues pousser des cris d’orfraie : «Quel gâchis ! Notre village est laissé à l’abandon ! Mais où sont passés les employés communaux ? Y a-t-il encore un pilote à la tête de la commune ? »
Confidence pour confidence, chers amis lecteurs, je n’étais pas loin de penser comme eux, jusqu’à ce que …
… Jusqu’à ce que je découvre le bulletin d’informations communal de cet été !
Et là, stupeur ! Ce fut une révélation ! Comment n’y avais-pas pensé plus tôt ?
Tel Jeanne d’Arc frappée par la puissance divine, notre bon Maire s’est découvert une passion dévorante autant que subite : la sauvegarde de la planète par le fauchage raisonné !
En d’autres termes, plus de tontes des pelouses, plus de parterres fleuris, plus d’entretien des massifs. La nature seule maîtresse du jeu. Une végétation aux essences variées qui reprend ses droits et envahit rues et caniveaux, amenant une flopée d’araignées, de cafards, de moustiques et d’insectes de toutes sortes.
Alors, dans la logique de la préservation de l’environnement poussée jusqu’à la déraison, ARTEMARE sera bientôt transformé en village «Amish»*, avec ses calèches et ses chariots tirés par des bourricots. Les employés municipaux, reconvertis en palefreniers, ramasseront le crottin, entourés d’une nuée de belles mouches dodues aux reflets gris-bleu-métallisé. Faudra également s’habituer à passer les longues soirées d’hiver autour du poêle à bois en lisant les saintes écritures-écolo à la lueur de la bougie.
En point d’orgue de ce vertueux projet à la gloire de Dame-nature, une paire de moutons remplacera la tondeuse haut de gamme. En fin de saison, ces valeureux ovins seront sacrifiés sur l’autel de la bien-pensance-écolo-irresponsable. Ils finiront leur brève carrière en méchoui champêtre organisé par l’ Amishcale d’Animation d’ Artemare !
Au risque de passer pour un affreux goujat rétrograde et égoïste, je vous avoue, mes chers amis lecteurs, que malgré tous mes efforts intellectuels et mon entier respect pour notre bonne vieille terre nourricière, ce programme, certes vertueux, ne m’enthousiasme guère !
En attendant les jours meilleurs, prenez bien soin de vous !


* Les Amish forment une communauté religieuse pacifique et austère qui refuse tout progrès.