Pépère n°12 – « Au gré du vent ! »

Dans une poignée de semaines, l’ Élysée aura, peut-être, un nouveau locataire quinquennal. Et, si l’on en croit la rumeur populaire et l’ardeur parfois hystérique déployée par les divers concurrents en lice, la place ne doit pas être si inconfortable !
Le moins qu’on puisse dire, c’est que les compétiteurs se bousculent au portillon d’un pouvoir éphémère. Et on assiste, amusé, médusé ou dégoûté selon sa position politique, à une foire d’empoigne pseudo-démocratique où tous les coups, même les plus bas, sont permis pour terrasser l’adversaire afin d’atteindre le Saint Graal, nirvana de leurs ambitions républicaines ou bassement personnelles.
Et pourtant, faut être, soit inconscient, soit maso, soit suicidaire, soit les trois à la fois, pour désirer jusqu’à l’obsession, un emploi à plein temps, de surcroît en CDD, où chaque jour durant son mandat, l’heureux lauréat en prendra plein la tronche par une majorité de citoyens franchouillards et gueulards, animés du farouche désir de lui faire la peau au premier tournant d’une sombre ruelle banlieusarde mal famée. Les mêmes citoyens qui l’ont consacré quelques temps auparavant.
Allez comprendre ! Décidément la nature humaine a des méandres singuliers que la raison ignore.
Toutefois, j’avoue humblement ma profonde admiration pour les purs fervents évangélistes portés par la sainte croyance d’un monde nouveau, idyllique, laïque et démocratique, dont ils se revendiquent les seuls apôtres dépositaires.
Pour l’instant, c’est le branle-bas de combat dans les partis politiques de tout bord, de bâbord comme de tribord, où vocalisent, dans un grand vacarme amplifié par les médias, les envolées plus ou moins lyriques, des ténors confirmés ou d’opérette, dont certains émergent d’une longue léthargie de cinq années avant de replonger dans l’oubli médiatico-politique. Célébrité fugace des météorites luminescentes qui disparaissent dans la nuit aussi rapidement qu’elles sont venues, sans laisser de trace.
Gagner sa pitance de politicien demande un minimum d’efforts, ne serait-ce que pour cultiver et conserver sa poignée d’électeurs. Mais glaner les lauriers de la gloire exige un excès de zèle qui n’est pas à la portée du premier candidat élyséen venu.
Dans les dernières bordées de la régate électorale, il faut avoir le cœur bien accroché pour surfer au milieu des paquets de vagues médiatiques, parfois nauséabondes, lesquelles, si l’on n’ y prend garde, peuvent, en deux coups de cuiller à pot , vous engloutir dans les bas fonds abyssaux de l’indifférence nationale.
Mais qu’on ne s’y méprenne ! L’apanage de l’ambition n’est pas le seul fait d’hommes politiques de haute lignée à visée élyséenne.
L’obsession du pouvoir jusqu’au-boutisme conduit parfois le citoyen lambda le plus modeste à renier ses propres croyances. La soif de célébrité prend alors le pas sur la raison et peut amener son auteur au sacrifice suprême de ses intimes convictions sur l’autel du déshonneur, à l’image du machiavélique vizir Iznogoud, sombre héros, sans foi ni loi, de la bande dessinée créée par Goscinny.
Nous voici transportés à Bagdad, au temps des mille et une nuits, où cet ignoble personnage, ministre du bien aimé calife, est rongé par le seul désir : prendre la place du bon calife !
Calife à la place du calife !
Ce triste personnage passera toute sa vie et son énergie pour arriver à ses fins.
Planqué bien au chaud dans le cénacle du pouvoir local, il mûrit ses plans, pose ses jalons, mais vote toutes les lois et se permet même d’en soutenir certaines avec ferveur, histoire de ne pas éveiller l’attention.
A l’extérieur, il multiplie poignées de main et salamalecs aux anciens, flatte la jeunesse, caresse la joue des bambins et sourit béatement aux mamans, s’ apitoie sur le sort des commerçants, des ouvriers et fonctionnaires, prend fait et cause pour les écolos et les industrieux, distribue quelques roubles et cadeaux aux associations de tous bords, sportives et culturelles.
Opportuniste, il s’adapte au milieu avec la dextérité du caméléon. Apolitique un jour, engagé à bâbord la veille, à tribord le lendemain, il mène sa barque selon la direction du vent, sans état d’âme, adoptant à son profit le vieil adage bidouillé :
C’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent !
« Pure fiction , me direz-vous avec toute l’innocence de votre bonne foi. Un tel scénario ne peut exister… du moins pas chez nous à Artemare ! »
En êtes-vous certain ? Parfois la réalité dépasse la fiction !
Je vous laisse seul juge….selon votre intime conviction.
En attendant les jours meilleurs, prenez bien soin de vous !

