Pépère n°6 – « Les Guignolos ! »

« Les Guignolos ! »
Pépère
Le printemps est là !
Enfin une bonne nouvelle dans notre univers pollué par la présence d’un microbe qui nous ferait oublier le gazouillis des petits oiseaux et la beauté d’une nature qui s’éveille à la vie.
Déjà les arbres se parent de bourgeons multicolores et notre horizon retrouve ses belles couleurs.
Comme chaque année, me dites-vous. Et vous avez raison.
Y a pas de quoi s’ébaubir devant un événement somme toute récurrent et naturel !
Sauf que cette année, c’est pas pareil. Y a ce foutu virus qui fout la trouille à toute l’humanité, qui bouleverse nos habitudes, qui occupe tout l’espace médiatique au point de nous faire oublier que notre bonne vieille terre tourne toujours au même rythme, égrainant les saisons.Immuable.
Et elle s’en fout, notre bonne vieille terre, du coronavirus !
Comme l’immense majorité des êtres vivants de la planète. Comme nos chiens et nos chats qui dégustent leurs croquettes, peinards, indifférents aux élucubrations des humains claquemurés au fond de leurs tanières, dans l’attente du vaccin miraculeux qui nous délivrera du mal !
On en oublierait presque les événements essentiels qui ponctuent la vie de notre commune, lesquels, en d’autres temps, auraient polarisé l’attention des citoyens.
Prenons, par exemple, la tenue de l’Assemblée Générale du Syndicat d’Animation d’Artemare, qui s’est déroulée fin février, au beau milieu de la tourmente épidémique, sans tambour ni trompette, en secret, sur convocation personnalisée remise contre signature, comme un acte clandestin et honteux que l’on ne souhaite pas étaler au grand jour.
Et pour cause !
Cette réunion n’a été qu’une piteuse parodie d’Assemblée Générale, un concentré d’anomalies, de cynisme et d’abus, au mépris des règles les plus élémentaires de notre constitution républicaine.
Faut être sacrément culotté pour oser nommer « Assemblée Générale » une réunion privée où les participants sont triés sur le volet pour ne garder que les sympathisants et amis, ce qui évite, bien évidemment , tout dialogue et confrontation d’idées, base même de nos fondations républicaines.
A l’instar des dernières Républiques bananières, dirigées par une poignée d’officiers sanguinaires à l’uniforme impeccable et décorés comme des arbres de Noël, qui se permettent de bousculer les règles du jeu démocratique, éliminant sans vergogne les opposants qu’ils envoient croupir au fond de geôles insalubres.
Faut être sacrément gonflé pour oser nommer « Assemblée Générale » une réunion entre copains où l’ordre du jour est aussi fantaisiste que farfelu et, où, sciemment, les auteurs, sans honte ni état d’âme, foulent aux pieds les principes et procédures légales de la loi 1901, dans le but d’ assouvir leur désir de conquête d’un pouvoir éphémère.
Triste représentation, à huis clos, d’un spectacle de guignols, ou le marionnettiste ou, plus exactement, le grand manipulateur, tire les ficelles de ses pantins, acteurs serviles dévoués à la cause de leur créateur.
Le décor est planté et la séance peut commencer.
Sur la scène improvisée, devant un public conquis, le grand manipulateur présente ses marionnettes.
A ses pieds, subjuguées, les petites figurines, écoutent et commentent, ravies, les paroles de leur maître.
- T’entends, Gnafron, comme il est convaincant. Il invente de grosses menteries que les gens gobent comme du bon pain ! Ferait prendre des vessies pour des lanternes à une colonie de vers luisants! »
- T’as raison, Guignolo. Il emberlificote tout son petit monde et te le retourne comme un matefaim de la Mère Cottivet !… N’empêche que toutes ces esbroufes me foutent le trouillomètre à zéro. Il pousse le bouchon un peu trop loin, notre bon Maître, et j’ai franchement pas envie de passer pour un pignouf et moisir cinq piges au gnouf pour malversation. »
- T’inquiètes pas, mon Gnafron, on craint rien. Peau de balle et balai de crin ! Avec ses potes de la Mairie, il fait la pluie et le beau temps dans la commune… C’est comme qui dirait nos parrains. »
- Nos parrains ? J’entrave que tchi à ce que tu me baves…Mon parrain à moi, y a belle lurette qu’il bouffe les barabans par la racine ! »
- Façon de parler, mon Gnafron. Ça veut dire, qu’ils interprètent les lois à leur façon…. Comme les patrons de la mafia sicilienne. Le gognand qu’est pas en accord avec eux est envoyé ad patres nourrir les merlus au fond de la méditerranée, un surin planté entre les omoplates. »
- Ben, mon caillon ! Vaut mieux être de leur côté. J’y connais pas grand chose à toutes leurs manigances, mais je veux bien accepter un poste dans l’Association pour être tranquillou. Je tiens pas à servir de bectance aux sardoches ! »
- T’as raison, mon Gnafron. Et puis, t’auras pas à activer tes méninges. Tu ouvres grands tes quinquets et tes esgourdes et tu fais ce qu’ils te disent….En somme, tu seras leur homme de paille.
- Leur quoi ? Tu veux dire que je serai un épouvantail à moineaux, comme celui qu’est dans le jardin de la Mère la Grogne ..T’es devenu zinzin, mon Guignolo ! »
- Mais non ! Je veux dire que t’auras pas à gamberger, mais simplement à bavasser à leur place…et eux continueront à tirer les ficelles…dans l’ombre. »
- Comme maintenant… Dans le fond, y a rien de changé ! »
Et puis, le rideau rouge de la honte tombe sur la scène, annonçant la fin de cette affligeante mascarade.
Dans un dernier effet de manche, le grand manipulateur salue son public. Il range soigneusement ses pantins jusqu’à la prochaine représentation.
Si je ne vous donne pas la composition et le nom des nouveaux dirigeants du Syndicat d’Animation d’Artemare n’est pas un oubli de ma part.
Président, Trésorier ou Secrétaire. Pierre, Paul ou Jean ? Quelle importance, puisque c’est la même main qui tire les ficelles !
En attendant les jours meilleurs, prenez bien soin de vous !

