Pépère n°29 – « Les clefs du camion ! »

« Il est des saisons qui reviennent avec la régularité d’un métronome ! »
Je ne parle pas de nos bonnes vieilles saisons qui, chaque année, régulent la vie de notre merveilleuse planète bleue, des oiseaux qui gazouillent au printemps sur les branches de nos arbres bourgeonnants, ou des feuilles d’automne qui tourbillonnent au vent mauvais de novembre et finissent en tapis sur nos allées, alors fréquentées par quelques rares promeneurs frigorifiés.
Non, mes chers amis lecteurs.
Je veux, ici, évoquer les saisons électorales qui, à dates régulières, traversent notre pays, sortant nos concitoyens de leur train-train quotidien. Les partis politiques de tous bords s’agitent en tous sens et leurs poulains, sélectionnés pour le rush final, affichent leur profil de vainqueur sur des panneaux électoraux dégoulinants de colle.
C’est alors le grand spectacle des meetings où les candidats, endimanchés comme des premiers communiants et le sourire enjôleur, vous promettent, dans de grandes envolées, pas toujours lyriques, le beurre, l’argent du beurre et, par-dessus le marché, l’avenante crémière !
Eh oui, chers amis, les prochaines échéances, programmées au mois de mars, seront municipales, ce qui augure un hiver agité dans bien des communes de France et de Navarre.
Déjà, les premiers frémissements agitent notre charmante bourgade. Pour l’instant, les prétendants au fauteuil municipal ne se bousculent pas au portillon de la Mairie d’ARTEMARE, à l’exception de notre bon Maire, lequel, émergeant de sa léthargie pathologique, vient d’ouvrir le bal, avec un regain d’enthousiasme forcé et un aplomb qui frise le cynisme.
Le premier à se déclarer ! Fallait s’y attendre !
Et pour une fois qu’il prend une initiative et qu’il arrive en pole-position, sa décision est à souligner comme un fait insolite, voir exceptionnel !
Faut dire que durant les six années de son mandat, il s’est taillé un petit nid douillet calfeutré dans son bureau, bien au chaud, se contentant de sortir à de rares occasions, histoire d’assurer le minimum syndical lié à sa charge et, surtout, rassurer ses groupies sur son état de santé à quelques encablures de la consultation locale.
Ainsi, dans un élan de culot qui forcerait presque le respect, sa Sainteté Artemarienne daigne sortir de sa réserve, pour annoncer à ses ouailles, avec l’air grave du souverain pontife, qu’il a décidé de repartir pour un tour.
Pourquoi pas ! me direz-vous et vous aurez raison. Chacun, en son âme et conscience, peut briguer la lourde tâche d’administrer la commune. Encore faut-il en avoir les aptitudes et les capacités, qualités nécessaires pour définir un projet clair et ambitieux et, surtout, pour le mener à bon port.
Et c’est là, mes chers amis, que j’ai comme un sérieux doute sur les compétences de notre bon Maire à conduire notre commune vers la voie du progrès et de la postérité !
Loin de moi, pourtant, l’idée de vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, mais, avouez quand même que redonner, pour les six prochaines années, les clefs du camion de la commune à un chauffeur dont la première virée s’est faite en marche arrière, n’a pas de quoi emballer l’honnête citoyen que je suis !
Il faut pourtant se rendre à l’évidence. Doucement, à bas bruit, notre charmant village, hier encore fier et dynamique, a pris un sérieux coup de vieux depuis l’avènement de notre bon Maire !
Rien de spectaculaire, non…Juste quelques rides, une lente érosion qui nait de l’absence d’affection, de tendresse et d’estime. Absence de considération, douce négligence, comme un amour finissant qui s’en va tristement sur la pointe des pieds, sans espoir de retour.
Le constat est en effet affligeant et sans appel, à l’image des parterres du centre-bourg envahis par les pissenlits et les herbes folles, à l’image de ces volets, qui, çà et là, sans tumulte, se ferment pour ne plus s’ouvrir, de ces rideaux de devanture baissés, à l’image du bureau de postes qui disparaît au profit d’une Agence postale au rabais, à l’image du projet de création du village-séniors qui a rejoint les oubliettes municipales et qui ne verra jamais le jour.
Ainsi, pendant que les communes voisines tracent leur chemin vers la voie du progrès et du dynamisme, notre village s’étiole, se vide de sa substance, avec, à terme, le risque futur de s’éteindre lentement, inexorablement.
Alors, mes chers amis, c’est vrai ! J’ai, en effet, une réelle réticence à confier, de nouveau, les clefs du camion communal à un conducteur inapte et maladroit, qui n’a encore pas trouvé la marche avant.
Mais ne vous y trompez pas ! Plutôt que d’avouer son incompétence à comprendre le fonctionnement du moteur, notre bon Maire, avec la fausse impudeur qui le caractérise, vous expliquera, sans rougir, que la faute incombe uniquement à la boite de vitesse, sabotée par ses prédécesseurs ! Aux innocents, les mains pleines !
Dès lors, à l’approche des fêtes de fin d’année, je me prends à rêver d’une instance juridique divine qui condamnerait notre pilote de pacotille à un retrait définitif de son permis de conduire les affaires municipales, assorti, pour éviter toute récidive, d’une « O.Q.T.F. », Obligation de Quitter Toutes Fonctions !
Ce n’est hélas, qu’un vœu pieu… Autant croire au Père Noël !
En attendant les jours meilleurs, Prenez bien soin de vous !





