Pépère n°26 – « L’immobilisme pervers ! »

Grand bonjour, mes chers amis lecteurs. Me revoilà !
C’est avec délice et beaucoup de plaisir que je me permets de franchir, à nouveau, la porte secrète de notre complicité.
Rendez-vous compte ! Plus de 6 mois sans vous donner de nouvelles, sans partager, ensemble nos instants d’émotion, sans s’indigner, ensemble, devant la déraison de la folie humaine, laquelle, telle une vicieuse tumeur cancéreuse, étend désormais ses métastases meurtrières sur l’ensemble de la planète.
Rassurez-vous ! Je ne vous avais pas oubliés. Pendant ces longs mois, j’étais parti, du moins par l’esprit, découvrir d’autres horizons, à la recherche d’un havre de paix préservé où régnerait le bon sens, la raison et la moralité, valeurs humaines fondamentales que je ne retrouve plus aujourd’hui dans mon pays.
Folle illusion de ma part, puisque force est de constater que le chaos est partout. Nos sociétés se désagrègent de l’intérieur. Le monde est devenu une immense foire d’empoigne où les États, même les plus petits, s’étripent, s’insultent et se détestent, dans une triste et cruelle sarabande funeste dominée par la loi du plus fort.
Et ce n’est pas jouer les oiseaux de mauvais augures que de prédire que l’humanité, entraînée dans ce tourbillon infernal, court tout droit vers le grand chambardement final !
Ainsi, dans la tourmente mondiale actuelle, j’en arriverais presque à trouver quelques circonstances atténuantes à l’apathie de notre bon Maire et j’irais même jusqu’à louer sa nonchalante passivité, laquelle, pourtant, conduit lentement mais sûrement notre commune vers la sénilité précoce et le déclin. J’en suis conscient.
Toutefois, entraîné par le courant de cette chienlit planétaire apocalyptique, mon instinct de survie m’ oblige à choisir entre la peste et le choléra et à me raccrocher à la première branche venue, fut-elle municipale, même si, vermoulue et peu fiable, elle n’offre pas les garanties élémentaires de solidité.
Mais convenez quand même, qu’ au plus fort de la pagaille générale, notre bon Maire est toujours là ! Immobile, impassible, inamovible…comme un bon gros nounours assoupi dans son fauteuil ministériel confortable, ronronnant des fadaises d’une banalité pitoyable à l’attention d’ une assemblée de conseillers municipaux, de plus en plus clairsemée et qui s’effiloche au fil des années.
Convenez également, qu’au milieu de ce déferlement de violence et de désordre, notre bon Maire garde son cap contre vents et marées, avec une constance olympienne qui frise l’admiration.
Depuis plus de cinq ans, il ne fait rien, mais il le fait très bien ! L’ inertie est devenue sa religion qu’il a érigée en dogmes :
Ne pas bouger ! Ne pas trancher ! Ne pas répondre !
Éloigner les problèmes pour n’avoir pas à les résoudre !
Et surtout, ne jamais décider ! Trop risqué !
Pas question, en effet, de se mettre à dos une poignée d’ administrés, de surcroît futurs électeurs.
Et c’est ainsi qu’en parfait disciple de sa propre doctrine, notre bon Maire a traversé, peinard et sans encombre, la plus grande partie de son mandat.
Il ne s’est rien passé et il ne se passera rien !
La vie municipale est devenue une succession de bulletins creux, de promesses flottantes, de réunions stériles. De temps en temps, notre bon Maire sort de sa torpeur pour inaugurer quelques chrysanthèmes à la faveur de fêtes commémoratives. Il s’exhibe et se pavane, histoire de montrer qu’il est toujours présent, à défaut d’ être actif. Il fait le beau, se tortille à la manière d’un jouvenceau pubère et boutonneux troublé par le premier jupon venu, dans le but de ramener à sa cause les citoyens de plus en plus sceptiques quant à sa compétence à gérer les affaires communales.
Cinq ans que ça dure ! Et comme le plus dur est fait, il n’est pas question de changer de méthode. Il serait malvenu et suicidaire, à quelques encablures des prochaines élections, de modifier les règles du jeu, au risque de gâcher son avenir d’édile.
Alors, notre bon Maire soigne son image de marque et gagne du temps, car son obsession, vous l’aurez compris, est de conserver son siège douillet municipal.
Mais si notre bon Maire gagne du temps, notre village, hélas, en perd !
Ainsi, depuis 2020, les dossiers communaux sont toujours « en cours de traitement ».
Ah, ces dossiers, parlons-en ! Ils sont devenus la hantise de notre bon Maire, le cauchemar de ses sombres nuits blanches, l’épine sournoise dans sa sandalette, le sparadrap du Capitaine Haddock dont il voudrait bien se débarrasser, mais qui lui colle à la peau d’une manière irréversible.
Pas de quoi, en effet, être fier de la gestion piteuse du dossier « LA POSTE », sabordé par manque de compétence, des projets avortés comme le lotissement « MORFLAN 2 », du « VILLAGE SENIORS » ou de la création de la « CRÈCHE MUNICIPALE », devenus désormais des serpents de mer administratifs que personne ne veut vraiment résoudre.
Alors, on déplace les dossiers pour faire semblant qu’ils bougent. On les exhibe parfois à la vue des citoyens. Pour masquer son inaction, on les évoque brièvement, le temps d’une séance municipale. Puis, bien ficelés, on les rentre à nouveau au fond de l’armoire métallique des regrets où, à l’abri de la poussière, ils rejoignent d’autres dossiers, enterrés eux aussi pour l’éternité.
Et pendant ce temps, le Monde évolue autour de nous, se transforme et se modernise, tandis que notre commune, figée dans l’immobilisme et l’inaction, décline, s’étiole, avec pour conséquence la perte de son attractivité. Et ce n’est la faute ni du vent, ni de la pluie, ni des directives de Bruxelles !
Il peut être fier de son bilan, notre bon Maire ! Depuis qu’il est aux manettes, ARTEMARE enregistre chaque année, d’après le rapport INSEE, une baisse constante de sa population d’environ 1%.
Les familles, en toute logique, s’en vont vers des cieux plus prometteurs tandis que les futurs investisseurs et artisans choisissent des régions plus attrayantes.
Désormais, seules les herbes folles s’épanouissent et prolifèrent à travers les rues de notre village.
Pourtant, il n’y a pas si longtemps, à peine un mandat électoral, la commune d’ ARTEMARE était en expansion, enviée par ses voisines pour son dynamisme. Elle avait une âme, une histoire, une force. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?
Stoppé en plein essor par l ‘arrivée de notre bon Maire, notre village, hier fierté régionale et cité en exemple, se meurt, agonise sans bruit, lentement mais sûrement, écrasé, étouffé par la force de l’inertie passive municipale.
Mais, soudain, venu du fond de ma conscience, un doute insidieux vient ébranler mon intime conviction de vieux critique franchouillard grincheux.
Mon esprit satirique aurait-il berné mon objective neutralité légendaire ?
Poussé par un aveuglement excessif à vouloir systématiquement fustiger les actions municipales, me serais-je laissé emporter par une malsaine perversion intellectuelle ?
En résumé, me serais-je tromper sur toute la ligne, à l’insu de mon plein gré ?
Et si notre bon Maire avait raison depuis le début ?
Et si notre bon Maire, en visionnaire averti, avait prévu l’avenir tragique de sa commune ?
Et si notre bon Maire, frappé par l’esprit divin et sublimé par un élan patriotique, s’était offert en sacrifice sur l’autel du dévouement suprême, pour sauver ses concitoyens de la déchéance programmée ?
Revenons cinq années en arrière et imaginons, en effet, qu’une malédiction satanique et sournoise se soit abattue sur notre village, provoquant son lent déclin économico-social.
Dans ces conditions, tout deviendrait limpide et la politique du néant de notre bon Maire apparaîtrait alors salvatrice et d’une évidente pureté biblique.
Plus besoin, en effet, de gaspiller l’argent public dans la création d’ un nouveau lotissement et d’une crèche municipale.
Et plus besoin, également, de mettre un kopeck dans la construction d’ un établissement pour accueillir nos aînés, puisque, du fait du vieillissement de sa population, ARTEMARE deviendrait alors le plus grand « VILLAGE SENIORS » de la région !
Alors, devant tant d’abnégations et de lucidité, il ne me resterait plus qu’à m’incliner humblement devant la stature et la clairvoyance de notre bon Maire. Chapeau bas et bravo l’artiste !
Seulement voilà….
Avec une bonne dose d’imaginaire et d’ hypothèses fumeuses,
l’utopie la plus extravagante devient possible et pas seulement pour mettre PARIS en bouteille !
En attendant les jours meilleurs, Prenez bien soin de vous !

